Étiquetage Après les fromages, le lait devient la cible du Nutri-Score
La nouvelle méthode de calcul du Nutri-Score déclasse le lait de la catégorie A à B, voire C quand il est entier. Une nouvelle appréciation qui suscite « l’incompréhension » de l’interprofession laitière.
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« On savait que le comité scientifique du Nutri-Score continuait ses travaux, et on espérait voir une évolution sur les fromages, réagit Caroline Le Poultier, directrice générale du Cniel. Quelle a été notre grande surprise, voire incompréhension, quand on a non seulement constaté qu’il n’avait procédé à aucune révision pour les fromages, mais avait en plus changé le lait de catégorie. Ce nouveau système brouille davantage encore les recommandations de santé. »
Les autorités sanitaires ont annoncé le 24 avril 2023 un changement de méthode du classement nutritionnel du Nutri-Score, qui devrait entrer en vigueur d’ici à la fin de 2023. Cette modification vise à « guider les consommateurs vers des choix éclairés et favorables à leur santé », motive la direction générale de la Santé dans un communiqué.
« Les modifications apportées doivent garantir une meilleure cohérence entre la note attribuée par l’algorithme et les recommandations nutritionnelles », précise de son côté, sur Twitter, le professeur Serge Hercberg, à l’origine du modèle d’étiquetage. Durant dix-huit mois, des chercheurs indépendants des pays européens où le Nutri-Score est utilisé (1) ont ainsi planché sur de nouvelles règles. Après avoir fait en sorte, en 2022, que la viande blanche bénéficie d’un meilleur score que la viande rouge, ils se sont concentrés cette fois-ci sur les liquides.
Le lait « entier » chute
Dans sa nouvelle mouture, le Nutri-Score différencie ainsi la composition nutritionnelle des boissons selon leur teneur en sucres, il limite aussi les édulcorants en notant moins bien les sodas « zéro » et « light ». L’eau devient la seule boisson classée A. Les jus de fruits et nectars (smoothies y compris) conservent globalement leurs catégories.
Le lait quitte la classe des aliments pour rejoindre celle des boissons. « Le lait, les boissons lactées et les boissons végétales ont été inclus dans cet algorithme, en assurant une classification du lait écrémé et demi-écrémé dans les classes les plus favorables », indique la Direction de la santé. Au final, le lait, demi-écrémé et écrémé, passe de la catégorie A à celle de B, aux côtés de certains jus de fruit et eaux aromatisées. Le lait entier est, quant à lui, relayé à la catégorie C. « L’idée du Nutri-Score est de rappeler que pour se désaltérer, la meilleure boisson c’est l’eau », a justifié Serge Hercberg, dans Les Echos, à la fin d'avril.
« La seule boisson obligatoire au quotidien est l’eau, reprend Caroline Le Poultier, du Cniel. Donc en considérant le lait comme une boisson et non plus comme un aliment, cela signifie le rendre « non obligatoire » au quotidien, alors que le programme national nutrition santé recommande au minimum deux produits laitiers par jour (trois pour les jeunes et les personnes âgés). Le lait n’a pas à être considéré comme une boisson d’autant que cela ne correspond pas à nos habitudes de consommation. En France, 87 % des Français consomment le lait comme un ingrédient. »
Bonnet d’âne pour les fromages
Les fromages ne voient pas non plus leur cote s’améliorer. Seuls quelques fromages moins riches en matière grasse ou en sel, comme l’emmental, bénéficieront cependant d’une notation plus favorable et pourront atteindre la catégorie C. 80 % des fromages, dont l’apport en protéine n’est pas considéré, resteraient ainsi en D ou E. Par ailleurs, le nouveau système ne tient toujours pas compte du degré de transformation du produit et écarte toute approche à la portion.
Le nouvel algorithme devrait entrer en vigueur à la fin de 2023, les opérateurs disposeront ensuite d’un délai de deux ans pour adapter le système d’étiquetage à leurs produits. « Dans le rayon du lait, beaucoup des produits de la filière sont depuis longtemps étiqueté avec le Nutri-Score, poursuit Caroline Le Poultier, du Cniel. Du jour au lendemain, on va donc laisser penser aux consommateurs qu’il y a eu une reformulation du lait ou un changement de process. Comment vont-ils l’accueillir ? Ce serait totalement incompréhensible d’autant que le but premier de la filière laitière est la meilleure information du consommateur. Aujourd’hui, tous les laits sont A et doivent le rester. »
L’Europe procrastine
À l’échelle européenne, le Nutri-Score est aussi loin de susciter l’engouement. La Commission européenne devait en effet présenter une proposition d’étiquetage harmonisé et obligatoire avant la fin de 2022, mais l’échéance a été repoussée à une date indéterminée en 2023. « La Commission ne va pas proposer le Nutri-Score » en tant que tel pour « ne pas mettre sur la table quelque chose qui polarise les débats », a indiqué à la fin de septembre 2022, Claire Bury, de la Commission pour la durabilité alimentaire, lors d’un débat organisé par Politico. Bruxelles examine à l’heure actuelle les différents affichages existants : le Nutri-Score, les logos vert ou noir des pays nordiques mais aussi le système Nutrinform Battery de l’Italie.
(1) Belgique, France, Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas, Espagne et Suisse.
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